Société
03/08/2025
Au quartier Masisi, à Ngomba Kikusa dans la commune de Ngaliema, la braise est bien plus qu’un simple combustible : elle est une source de revenus, un mode de survie et un symbole du courage féminin. Nathalie, vendeuse de braise depuis plusieurs années, nous ouvre les portes d’un métier aussi physique qu’économiquement précaire.
De Mbuba à Kinshasa : une filière manuelle et coûteuse
Le parcours de la braise commence loin de Kinshasa, à Mbuba, dans le territoire de Madimba, province du Kongo-Central. Là-bas, explique Nathalie, ce sont les « commissionairess » qui vendent les sacs au nom des propriétaires. « Nous achetons un sac à 51 000 francs congolais, directement au dépôt, où les sacs arrivent en camion », raconte-t-elle.
Mais tout ne s’arrête pas à l’achat. Il faut ensuite transporter chaque sac – qui peut peser plus de 50 kg – jusque dans un bus (souvent un Hiace ou un Sprinter), en payant 1 000 FC par sac pour le portage à Mbuba.
Une logistique urbaine à plusieurs vitesses
De Mbuba à Kinshasa, le transport est une autre épreuve, tant physique que financière. « Pour venir jusqu’à Masisi, cela nous revient à 10 000 FC par sac », précise Nathalie. « Mais dans d’autres quartiers comme Selembao, c’est parfois un peu moins cher, autour de 7 000 à 8 000 FC, sauf quand il y’a pénurie de bus. »
Une fois à destination, ce n’est pas fini. Il faut encore payer les déchargeurs pour sortir les sacs du véhicule : 1 000 FC par sac.
L’État présent, même dans l’informel
Bien que le commerce se déroule souvent dans l’informel, les frais de l’État s’invitent aussi dans l’équation. À Masisi, chaque vendeuse doit s’acquitter de 3 000 FC par sac, incluant les frais de dépôt.
Une marge qui s’effrite
Avec tous ces frais cumulés, la marge bénéficiaire reste très mince. Nathalie revend généralement ses sacs à 70 000 FC, un prix qui peut chuter selon l’offre, la demande et la concurrence. « Parfois, le bénéfice est tellement faible qu’on ne gagne presque rien. Il nous reste à peine 3 000 à 4 000 FC après toutes les dépenses. »
Pour accélérer les ventes ou faire face aux imprévus, elle choisit parfois de vendre la braise au détail. « Vendre en petits tas permet de rentrer plus vite dans ses frais, surtout quand le sac a coûté cher à l’achat. »
Un métier invisibilisé, mais essentiel
Le commerce de la braise est une activité à la fois ingrate et indispensable. À Kinshasa, où le courant électrique est souvent instable et le gaz difficile d’accès, la braise reste le combustible de référence pour cuisiner. Pourtant, celles et ceux qui l’acheminent jusqu’aux marchés vivent dans la précarité, à la merci du prix du transport, de la météo et des frais administratifs.
Ce sont des femmes comme Nathalie, discrètes mais déterminées, qui assurent cette chaîne d’approvisionnement. Leur travail mériterait plus de reconnaissance, de soutien et surtout, de considération
Colette ZAÏNA
✍️:@coco_colette_zaina
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