Sépulture d’Etienne Tshisekedi : bras de fer entre l’UDPS et l’Hôtel de ville

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Nouveau bras de fer autour de la dépouille d’Etienne Tshisekedi. Après s’être opposé à l’enterrement dans un lieu aménagé au cimetière de la Gombe, la famille du défunt se propose d’enterrer le président de l’Udps  à la permanence de son parti, à Limete. Ce qui ne devrait plaire ni à l’Hôtel de ville de Kinshasa, encore moins au gouvernement.

 

La dépouille d’Etienne Tshisekedi, leader de l’opposition décédé le 1erfévrier 2017 à Bruxelles, fait l’objet de profond marchandage. Contre toute attente, malgré un accord de principe accordé à l’Hôtel de ville, la famille du défunt avait fait volte-face en refusant l’enterrement sur le site aménagé au cimetière de la Gombe par le gouvernement provincial de Kinshasa.

Aujourd’hui, la famille du sphinx de Limete et son parti, l’Udps, se proposent de l’enterrer au siège du parti, dans la commune de Limete, où l’opposant historique a passé le gros de sa vie. Ce qui n’est pas de l’avis du gouvernement qui s’oppose catégoriquement à cette option. Il l’a redit jeudi dernier au terme d’une réunion du Conseil des ministres.

Ce sont les dernières déclarations du gouvernement qui ont sérieusement irrité l’UDPS et la famille d’Etienne Tshisekedi. Alors que des négociations étaient en cours pour trouver une voie de sortie, le gouvernement s’est montré intransigeant à l’inhumation du défunt en dehors du lieu prévu par l’Hôtel de ville.

Colère à l’UDPS

A l’UDPS, la levée des boucliers ne s’est pas fait attendre. Approché par la presse, Augustin Kabuya, porte-parole de l’UDPS, n’a pas caché sa colère. « Vous ne voyez pas qu’on est en train de jouer au jeu de ping-pong avec ces gens-là? (…) « Ils [les membres du gouvernement] nous prennent pour des imbéciles ; maintenant, nous allons passer à la vitesse supérieure », a-t-il dit, cité par le site d’informations en ligne politico.cd. Et de lancer le pavé dans la mare : « Je vous informe que nous au niveau du parti, on s’organise pour préparer un endroit à l’enceinte de notre permanence pour enterrer le président [Tshisekedi]. C’est ce que nous allons faire maintenant. Nous avons montré notre bonne volonté cela fait un bon bout de temps, ils n’ont pas compris, ils nous ont pris pour des imbéciles, maintenant, nous allons passer à la vitesse supérieure ».

Pourtant, la famille du défunt et l’Hôtel de ville de Kinshasa étaient parvenus à un compromis pour son inhumation dans un site aménagé du cimetière de la Gombe à Kinshasa. Fort de cet accord de principe, l’Hôtel de ville de Kinshasa avait déjà entamé les travaux, se donnant environ deux semaines pour terminer tous les travaux prévus, notamment la construction du caveau et du mausolée.

Curieusement, de retour à Kinshasa, après un séjour à Bruxelles, Mgr Gérard Mulumba, frère cadet de l’illustre disparu, s’est aussitôt rétracté en rejetant l’offre de l’Hôtel de ville de Kinshasa. Au cimetière de la Gombe, les travaux sont dès lors suspendus.

Devant la presse, Mgr Gérard Mulumba s’est justifié, affirmant s’être plié aux nombreuses revendications des combattants de l’UDPS qui se sont farouchement opposés à une inhumation du sphinx au cimetière de la Gombe. « A mon retour à Kinshasa, j’ai trouvé que la base de l’UDPS, et même toutes les autres personnes n’acceptaient pas qu’Etienne (Tshisekedi) soit enterré au cimetière de la Gombe. C’est pour cela que j’ai vu les autorités pour leur signifier le refus », expliquait-il à la Voix de l’Amérique, affirmant avoir même fait l’objet des menaces de la part des partisans de l’UDPS pour avoir accepté au préalable la proposition du pouvoir.

« Nous ne voulons pas que la situation continue. D’ailleurs, les membres de la famille qui sont à Bruxelles sont vraiment fatigués, c’est pour cela qu’ils étaient déjà d’accord pour l’enterrer à la Gombe, malgré eux », affirmait alors Mgr Gérard Mulumba.

Pendant ce temps, le Gouvernement vient de réitérer sa ferme volonté de « prendre effectivement en charge le voyage de la délégation de la famille vers Bruxelles pour les préparatifs des obsèques  ainsi que les veillées funéraires organisées par son parti à Kinshasa ; il a réitéré sa volonté de prendre en charge aussi bien les frais de rapatriement de sa dépouille par avion spécial ». Quant à son inhumation, sujet controversé, le gouvernement a promis d’organiser « l’inhumation de l’ancien 1er Ministre Tshisekedi dans le respect des dispositions légales et réglementaires qui régissent les cimetières ». Ce qui, suppose-t-il, « exclut l’inhumation dans un site urbanisé habité ».

Le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Emmanuel Ramazani Shadari, s’est voulu catégorique.  « Il n’y a pas d’autres endroits que le cimetière où l’inhumation peut se réaliser », a-t-il dit, suivant les propos rapportés par radio Okapi.

Or, les combattants de l’Udps tiennent toujours à ce qu’Etienne Tshisekedi soit enterré au siège du parti ; un site habité.

On est donc reparti pour un bras de fer qui promet de durer. Car, à l’UDPS, on se dit prêt à passer outre les décisions du gouvernement ou de l’Hôtel de ville de Kinshasa, en l’inhumant « le Vieux » au siège du parti à Limete.

Quelle sera dès lors la réaction de l’Hôtel de ville ? Le gouvernement va-t-il lever la mesure en faisant d’Etienne Tshisekedi une exception ? Dans tous les cas, on s’attend à ce que toutes les parties impliquées dans les obsèques d’Etienne Tshisekedi parviennent le plus rapidement possible à un compromis. Ce qui n’est pas encore le cas.

Des sépultures spéciales

Ce n’est pas la première fois qu’on aura une sépulture spéciale pour des personnalités tout aussi spéciales. Dans l’église catholique, les évêques sont toujours enterrés dans leurs cathédrales respectives. L’exemple le plus palpant, c’est celui de l’archidiocèse de Kinshasa où sont enterrés, dans des caveaux aménagés dans l’enceinte de la cathédrale Notre-Dame du Congo, les cardinaux Joseph Albert Malula et Fréderic Etsou. Plus loin, la tombe du père Raphaël de la Kethulle, le bâtisseur du stade Tata Raphaël, se trouve jusqu’à ce jour à l’endroit principal du stade qui porte son nom, dans la commune de Kalamu.

Pourquoi Etienne Tshisekedi ne ferait-il pas l’objet d’une exception ? Le fait que les cardinaux qui ont assumé les fonctions d’archevêque de Kinshasa soient enterrés dans la cathédrale Notre-Dame du Congo est une exception à la règle qui peut bien s’appliquer à Etienne Tshisekedi.

Dans la grande marche vers la démocratie, Etienne Tshisekedi reste une icône. C’est le symbole de la jeune démocratie congolaise. Ce qui lui donne un statut particulier de « père de la démocratie » congolaise. A ce titre, sa mort devrait être célébrée de manière tout aussi exceptionnelle.

C’est vrai qu’il y a une vieille loi coloniale qui règlemente l’inhumation, mais les mêmes faveurs qui ont été accordées à l’église catholique de Kinshasa qui enterre ces archevêques dans l’enceinte de la cathédrale – un site urbanisé habité – peuvent bien être prises en compte dans les revendications posées par l’UDPS et la famille biologique d’Etienne Tshisekedi. En réalité, le lider maximo n’est pas une personnalité ordinaire. C’est une figure, un symbole, un nom que toute la nation congolaise devrait honorer à sa juste valeur.

 

Dans la liste des personnalités enterrées dans leurs concessions, des exemples sont légion autant à Kinshasa que dans les provinces. A moins de se servir de la dépouille de Tshisekedi pour retarder davantage la reprise des discussions directes autour de l’arrangement particulier à l’accord du 31 décembre 2016, le gouvernement et l’Hôtel de ville feront mieux d’alléger leur position. Ce n’est pas de cette manière qu’ils vont honorer la mémoire d’un grand homme d’Etat qui s’est engagé toute sa vie dans le combat politique pour le triomphe de la démocratie.

Avec le Potentiel

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