La RDC et ses contrastes : un pays, un président, deux Premiers ministres

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Le travail bâclé d’Edem Kodjo est en train d’être affiné au Centre interdiocésain. Au terme de ce forum, le chef de l’Etat, Joseph Kabila, est assuré de conserver son fauteuil présidentiel. Ce qui pourrait ne pas être le cas pour le Premier ministre nommé, Samy Badibanga. Un président, deux Premiers ministres, l’un sorti de la cité de l’UA et l’autre du Centre interdiocésain, c’est fort probable. C’est ça aussi la RDC avec tous ses contrastes.

Le 18 octobre 2016, après plus d’un mois de discussions, les délégués au dialogue politique de la cité de l’Union africaine clôturent ce forum par la signature d’un accord politique censé gérer la période de transition qui s’ouvre après le 19 décembre 2016.

Facilitateur désigné de l’Union africaine, le Togolais Edem Kodjo, s’en félicite et profite de l’occasion pour régler les comptes à ses détracteurs. Dans son discours, Edem Kodjo se défoule : « Je ne vais plus rappeler les vicissitudes de l’histoire tourmentée de ce dialogue : la longue période d’hésitation ayant suivi l’ordonnance du Chef de l’Etat Joseph Kabila, ma nomination par Mme Zuma fin janvier 2016, ma prise de fonction hérissée d’injonctions, de reniements, de dénégations, d’injures de toute nature, et du refus obstiné de rentrer en contact avec le facilitateur, l’exigence répétée de l’inclusion de la communauté internationale, ce que nous fîmes sans grand résultat, la résolution 2277 qui fut un véritable soupir de soulagement et une soupape extraordinaire de sûreté, mes nombreuses réunions et rencontres visant à convaincre la classe politique et la société civile, mes déplacements répétés à Bruxelles, l’obtention d’un accord en bonne et due forme à Paris le 26 mars 2016 puis confirmé ici même à Kinshasa; ce n’est pas Monsieur Bruno Mavungu, présent dans cette salle qui me démentira, ma récusation rendue vaine par le soutien renouvelé de Mme ZUMA puis de toute la communauté internationale et la société civile congolaise, y compris l’Eglise catholique, l’incroyable succès du comité préparatoire du dialogue dont les travaux ont été bouclés en trois jours au lieu de sept, l’espoir revenu puis l’effroyable tragédie du 19 septembre 2016, intervenue en plein dialogue enfin convoqué et lancé, les vicissitudes de toutes sortes, mes impatiences affirmées, ma colère et ma fureur et enfin le succès au bout du chemin … au bout du petit matin ».

Il étalera par la suite son optimisme : « cette signature doit être considérée comme le coup d’envoi de l’étape la plus importante, celle qui doit traduire les termes de cet Accord dans la réalité ».

Comme pour répondre au vœu du facilitateur, le 17 novembre 2016, deux jours après son adresse devant le Parlement réuni en congrès, le chef de l’Etat, Joseph Kabila, nomme au poste de Premier ministre, Samy Badibanga, délégué au Dialogue de la cité de l’UA pour le compte de l’Opposition.

On savait depuis la signature de l’accord du 18 octobre que les jours de Matata à la Primature étaient comptés. La nomination de Samy Badibanga est venue le consacrer. Mais, personne ne prédisait que Matata bénéficierait en même temps d’une rallonge – contre son gré.

En effet, on avait minimisé un détail d’une valeur politique inestimable, c’est-à-dire la non-adhésion du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement au compromis de la cité de l’UA. Sans compter la CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo) qui avait également quitté les travaux de la cité de l’UA.

Autrement dit, l’accord politique du 18 octobre 2016 a été conclu entre la Majorité présidentielle et une minorité de l’Opposition couplée à une partie de la Société civile. C’est la donne qui allait fragiliser l’accord politique de la cité de l’UA.

Kodjo a minimisé le poids de la CENCO

Sans se décourager, les évêques de la CENCO ont pris leur bâton de pèlerin pour une mission de dernière chance en vue de parvenir – loin d’Edem Kodjo – à un accord global, engageant toutes les parties. Naviguant dans des eaux troubles, la CENCO a fini par obtenir gain de cause. Depuis jeudi 8 décembre, 30 délégués répartis entre la MP et ses alliés de la cité de l’UA ainsi que le Rassemblement et les siens, siègent au Centre interdiocésain dans des « pourparlers intercongolais pour la paix ».

Qu’en est-il alors du Premier ministre nommé, Samy Badibanga ? Il attend, se trouvant pour le moment dans l’impossibilité politique de former son gouvernement. Et Matata Ponyo Mapon, le Premier ministre sortant ? Comme celui qui est censé lui succéder, il attend également le jour de la remise et reprise. Du jamais vu dans l’histoire politique de la RDC.

Mais, dans ce brouhaha, le Président reste un. C’est Joseph Kabila. C’est d’ailleurs son sort après le 19 décembre 2016 qui est en jeu dans les pourparlers du Centre interdiocésain. Une chose est sûre : le chef de l’Etat restera au pouvoir après cette date pour une période de transition censée menée aux élections.

Comme toujours, la RDC a gardé sa réputation d’un pays aux multiples contrastes. Le chef de l’Etat restera en poste. C’est une évidence. On voit mal les délégués aux discussions directes du Centre interdiocésain déroger à cette règle. Mais, en face de lui, le chef de l’Etat devra gérer deux Premiers ministres. Si le problème ne se pose pas pour Matata, ce n’est pas le cas pour l’entrant, Samy Badibanga.

Des questions se posent. Va-t-il résister à la grande vague du Centre interdiocésain ? Est-ce que le Rassemblement et ses alliés, qui ne se reconnaissent pas en Samy Badibanga, accepteront-ils que ce dernier les représente à la Primature ? C’est peu probable.

Une remise et reprise à trois…

Les jours à venir promettent bien des surprises. On ne sera pas étonné de voir Samy Badibanga se mettre à l’écart avant même qu’il n’ait pris possession des bureaux de la Primature.

A la Primature, une remise et reprise à trois n’est pas non plus exclue, avec d’un côté, Matata Ponyo Mapon, Premier ministre sortant, et de l’autre, Samy Badibanga, Premier ministre issu du Dialogue de la cité de l’UA, et un probable Premier ministre qui pourrait sortir des pourparlers du Centre interdiocésain.

Matata face à deux Premiers ministres. Ça parait illusoire, mais c’est fort probable. Cela ne se passe qu’en RDC, un pays de tous les contrastes.

Avec Le Potentiel

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