Kin-Kiey Mulumba : « Si l’avenir de la RDC dépend du maintien au pouvoir de Kabila… »

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Kin Kiey (2)

Fervent partisan du chef de l’État, le ministre des Relations avec le Parlement milite pour le maintien de celui-ci au pouvoir au-delà de 2016 et pour une modification de la Constitution.

Dit-il à haute voix ce que le chef pense tout bas ? À Kinshasa, beaucoup en sont convaincus, et il ne fait aucun doute que Tryphon Kin-Kiey Mulumba souhaite voir le président Joseph Kabila rempiler en 2016, alors même qu’en l’état la Constitution ne le lui permet pas.

Depuis plusieurs mois, le ministre des Relations avec le Parlement (qui préside aussi une association baptisée « Kabila désir ») multiplie les tribunes et court les plateaux de télévision pour prêcher son évangile. Un plaidoyer pour le maintien au pouvoir de son champion. Quitte à réviser la Constitution.

Jeune Afrique : Aucune échéance majeure du calendrier des élections, publié à la mi-février par la commission électorale, n’a été respectée. L’opposition exige en outre le report des scrutins locaux, prévus en octobre 2015, pour permettre la tenue de la présidentielle l’année suivante. Qu’en pensez-vous ?

Tryphon Kin-Kiey Mulumba : Personnellement, je pense que le calendrier établi par la Ceni [la Commission électorale nationale indépendante] est irréaliste. Nous devons le réaménager : aucun délai ne pourra être tenu, et nous sommes déjà, de fait, dans le glissement du calendrier électoral. Même l’opposition réclame, sans l’avouer, un report puisqu’elle demande que soient enregistrés sur les listes électorales les nouveaux majeurs [les personnes qui ont eu 18 ans depuis les élections de 2011] : c’est un processus qui prend du temps et cela ne permettra pas d’organiser les différents scrutins dans les délais prévus. En ce qui nous concerne, cette question du report des élections n’est pas taboue. Nous en débattons au sein de la majorité.

Certains partis d’opposition, dont l’UDPS d’Étienne Tshisekedi, exigent qu’un médiateur international participe au dialogue proposé par le président Kabila. Or lui-même a dit, le 29 juin, à l’occasion de son discours à la nation, qu’il ne voulait pas « d’ingérence étrangère »…

Nous n’érigeons aucun mur. Rappelez-vous qu’en 2001 Joseph Kabila avait accepté la médiation de Ketumile Masire, l’ancien président du Botswana, alors que son père l’avait refusée ! Mais que veut l’opposition ? Une facilitation ou un accompagnement ? Je pense que nous pourrions répondre favorablement à une demande d’accompagnement.

À quoi doit servir ce nouveau dialogue, sachant que des « concertations nationales » ont déjà eu lieu en 2013 ?

Joseph Kabila a tenu à écouter tout le monde – l’opposition, la majorité et la société civile – pour connaître les attentes des uns et des autres et parce que, dans une démocratie, le dialogue doit être permanent. La question est : vers où voulons-nous aller ? Vers une meilleure gouvernance et vers un consensus plus large. N’oublions pas que la RD Congo a connu des guerres, que les questions de paix, de stabilité et de reconstruction doivent occuper une place centrale dans les débats publics et qu’il n’est pas question du sort de tel ou tel individu.

Pourtant, vous militez en faveur du maintien au pouvoir d’un individu, en l’occurrence Joseph Kabila…

Si l’avenir du pays dépend du maintien au pouvoir de Joseph Kabila, alors il faut qu’il reste. Limiter le nombre de mandats présidentiels, c’est injuste. Un député ne peut-il pas être indéfiniment réélu ? Et pourquoi devrions-nous continuer à faire du mimétisme, en calquant nos textes fondamentaux sur ceux des anciens colonisateurs ?

Dans un pays aussi vaste que le nôtre, il y aura toujours des contestations à l’issue des élections. Nous devons donc adopter un nouveau modèle pour permettre un meilleur contrôle du déroulement des scrutins. Cela passe notamment par l’organisation de la présidentielle au suffrage indirect. Avec un corps électoral réduit, le pays fera l’économie à la fois de la contestation et des moyens. Car, oui, il nous faut des élections. Mais celles qui nous coûtent plus de 1 milliard de dollars, ce n’est pas possible. Nous devons avoir le courage de le dire.

Souhaitez-vous changer le mode de scrutin via une révision constitutionnelle ?

La Constitution en vigueur [depuis 2006] a été rédigée dans un contexte donné. Le pays sortait d’une longue guerre, et des belligérants s’étaient partagé le pouvoir à Kinshasa. Mais, aujourd’hui, si les Congolais, réunis dans le cadre d’un dialogue, estiment qu’il faut un nouveau texte dans l’intérêt du pays et pour le salut de la nation, je n’y vois nul inconvénient.

Cette révision constitutionnelle ne fera-t-elle pas aussi sauter la limitation du nombre des mandats présidentiels pour permettre à Joseph Kabila de se représenter en 2016 ?

Il ne faut pas personnaliser le débat. C’est un constat. Le peuple congolais exprime chaque jour une envie : Kabila. Les hommes d’exception comme lui n’apparaissent pas tous les deux, trois ou cinq ans, et quand on en tient un, on se dit qu’il vaut mieux qu’il poursuive son œuvre. C’est le désir, l’envie qui s’exprime, et il faut en tenir compte. Surtout pour un pays comme le nôtre qui revient de très loin et qui a besoin de stabilité.

Personne d’autre ne peut garantir la stabilité du pays ?

Lorsque Laurent-Désiré Kabila a été assassiné, le 16 janvier 2001, la RD Congo comptait des milliers de docteurs en droit, en sciences politiques, des saint-cyriens et pleins d’officiers qui avaient fait les meilleures écoles militaires à travers le monde. Mais on est allé chercher un jeune de 29 ans, qui ne parlait même pas la langue de la capitale. Et le consensus s’est construit autour de sa personne. En RD Congo, n’importe quel quidam ne peut pas, aujourd’hui, s’improviser président de la République. Il faut avoir, comme Joseph Kabila, cette capacité à être accepté, car si l’on n’y prête pas garde, les guerres d’hier seront devant nous.

Si Joseph Kabila devait décider de ne pas prolonger son bail au Palais de la nation, qui la majorité pourrait-elle soutenir ?

Je ne peux me prononcer sur une telle hypothèse. J’attends que le chef s’exprime lui-même.

Un article de Jeune Afrique

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